HP laminaire ou complexe ?

HP laminaire ou complexe ?

HP laminaire ou complexe ?

Une camarade écrivaine me faisait il y a quelques mois cette conclusion : « En fait, nous les Haut-Potentiels il faudrait nous appeler les Bisounours, parce que c’est exactement cela ». Tous les mots desquels on nous affuble sont impropres, et Bisounours serait le terme qui nous définit le mieux. Si cela est vrai, alors essayons de comprendre pourquoi les sphères se constituant autour du sujet ne sont pas du tout le monde des Bisounours mais au contraire le plus souvent des terrains d’incessantes querelles et polémiques. Pourquoi tant d’agitation hostile et égocentrée en tous sens, nourrissant d’innombrables polémiques stériles et délétères jetant toujours plus d’incompréhension de l’extérieur comme de l’intérieur ? Et ce alors que le plus basique bon sens ne peut que pousser en la matière à de l’introspection, de l’ouverture d’esprit, de l’accueil de la diversité et de la différence, de la prise de recul et de la concertation globale. Il y a un mur qui semble se dessiner entre deux sensibilités de Haut-Potentiel. D’un côté on ne veut entendre parler que des atouts et des aspects positifs, quitte à se placer dans une démarche élitiste décevante contribuant à nous faire détester de l’opinion publique. De l’autre côté on se concentre à outrance sur des aspects négatifs qui nous entraînent tristement et irrationnellement aux confins du handicap. D’un côté on ne veut entendre parler que d’intellect, de l’autre on ne veut traiter que d’une approche émotionnelle et sensitive. Le discours qui nous rappelle fort à propos que le cerveau centralise le fonctionnement global d’une personne, et que l’on ne peut cloisonner ses fonctions, ne trouve que très peu d’oreilles attentives. Cette barrière, cette difficulté à communiquer sur la globalité et sans préjugés, elle me semble née d’un traumatisme de jeunesse qui a pu se placer selon l’individu d’un côté ou à son opposé. Si l’on admet les résultats d’études menées à Lyon autour des travaux de Fanny Nusbaum, sous l’autorité du docteur Olivier Revol, il y aurait deux profils de Haut-Potentiel. D’un côté le laminaire (ou homogène), et de l’autre le complexe (ou hétérogène). On va prendre cette différenciation pour illustrer les deux types de sensibilité entrant en opposition.

  • Le HP laminaire se gausse lorsqu’il entend parler de sentiments, d’amour universel, etc. Il sort des conférences sur l’hypersensibilité en sarcasmant sur « le discours bébé ». Il excelle dans l’ironie parfois cynique. Pour lui, la clef à tout est dans l’intellect, dans l’étude statistique, dans le codage informatique, dans l’objectif, dans la stratégie, dans la méthode, etc. Ce sujet, que l’on dit davantage sujet au burnout que le sujet complexe, a peur de ses émotions. Il en a peur parce que là réside un mécanisme qu’il ne peut comprendre, mesurer, évaluer. Il préfère alors le nier pour ne pas mettre en échec son cerveau avide de tout comprendre et de tout expliquer. Si cette peur est si viscéralement gravée en lui, c’est parce qu’il a senti la force de l’émotion, on ne peut donc dire qu’il s’agisse d’un sujet non-hypersensible. Il s’est laissé déborder une fois et en a été impressionné, d’où le blocage qu’il y a installé et le bouclier qu’il s’est forgé. Il a rejeté lors de sa jeunesse, dans ce qui lui est apparu comme un mécanisme de survie, l’aspect émotionnel dans lequel il a brûlé ses ailes. Son affectif a pu être déçu amèrement dans ses premières années, et pour ne plus être blessé à nouveau il préfère se murer à tout sentiment et à toute cause, se dépêchant d’en rire pour ne pas retourner dans ce qu’il pense être un péril.
  • Le HP complexe rejette tout intellectualisme, s’évade dans des considérations artistiques ou sensitives dès lors que ce à quoi il a affaire lui semble trop cérébral. Il peut mépriser le rationnel, le scientifique et la réflexion, cela parce qu’il ne sait que trop bien leurs limites et combien tout cela est dérisoire et ne peut expliquer le fonctionnement du monde. C’est la même farouche quête de sens que celle du laminaire qui le pousse à envisager la vie sous l’angle opposé. Il se gausse des discours des plus brillants philosophes, et ne voit dans les blouses blanches que de sinistres tortureurs de rats de laboratoire. Les chiffres et les discours méthodiques pragmatiques l’asphyxient physiquement et le heurtent émotionnellement de façon extrême. Le sens, il ne peut le trouver que dans la psychologie, dans la poésie, dans la transe, dans l’émotion, et dans les sentiments et les relations entre les êtres. Tout le reste n’est pour lui que du mécanique sans le moindre intérêt, voire malsain. Il est habité de la même peur que le laminaire. Il a peur du cérébral, peur des discours analytiques dénués de sentiment et d’émotion. Et ce pour la même raison, parce qu’il y a dans l’enfance brûlé ses ailes. Enthousiaste, il a à son plus jeune âge cherché dans son intellect ultra performant les réponses à tout, il a compilé un maximum de savoir et de connaissances, jusqu’à en arriver à un burnout intellectuel où son cerveau est entré en surchauffe jusqu’à mettre ses fonctions vitales en danger. Ajouté à cela, il a aussi pu expérimenter l’amère frustration de ne jamais pouvoir tout savoir et de constater que tout cela ne peut jamais déterminer le cours des événements qui est beaucoup plus impacté au final par les aspects affectifs, physiques et émotionnels. Il a tôt entrevu que l’étude intellectuelle de la vie ne peut mener qu’à une constatation de l’absurdité. Le même mécanisme de survie s’est mis en place chez lui, mais opposé, au lieu de rejeter l’émotion, il l’a accueillie et a rejeté les réflexions mentales qui en étaient dénuées.

Le discours entre ces deux bords reste possible, chacun pouvant tendre la main à l’autre et l’accompagner à affronter et apprivoiser sa peur d’enfant. C’est en cela que, mieux que tous les livres et les discours, ce qui sera toujours le plus bénéfique pour le bien-être d’une personne à haut-potentiel c’est d’en rencontrer une autre et de nouer relation avec elle. C’est merveilleux lorsque l’on se retrouve en jumeaux, et c’est encore plus enrichissant lorsque cette personne rencontrée a réagi aux choses (similaires au départ) d’une façon totalement différente. Le HP a une tendance naturelle à l’extrémisme mais avec beaucoup d’amour, d’accueil et de délicatesse, il peut très bien faire la paix en lui et être ainsi libéré, avec un pied sur un rivage et l’autre sur l’autre, le tout pour un meilleur équilibre, une meilleure compréhension et un plus complet épanouissement.

Ecrit par Alban Bourdy

Être HP, c’est jongler avec des quilles

Être HP, c’est jongler avec des quilles

Être HP, c’est jongler avec des quilles

Je jongle en permanence. Avec mes occupations professionnelles (j’ai une dizaine de clients, notre agence a une cinquantaine sur lesquels j’interviens plus ou moins fréquemment), mes occupations para-professionnelles (les cours, conférences et formations que je donne), mes occupations associatives (mes activités en tant que Samaritain, mon site et ma page consacrés à Jean-Jacques Goldman, mon association Surdouessence Suisse), mes occupations familiales (je suis marié, j’ai deux enfants), mes intérêts personnels, auxquels j’ai malheureusement pu consacrer très peu de temps ces dernières années.

Ces occupations peuvent parfois devenir des préoccupations, surtout si l’on souhaite prendre en compte les susceptibilités et le bien-être d’autrui dans la balance, lorsque je dois m’adapter au rythme des autres, plutôt que les autres ne puissent se caler sur le mien. Rien de méprisant dans cela, bien au contraire, deux amies proches peuvent témoigner à quel point j’ai vraiment, le plus possible, essayer de ménager la chèvre, le chou, et tout ce qui va avec, dans un projet qui pourtant regroupait 100% d’HP.

Si je dois faire une analogie, je me vois comme un jongleur qui arrive tant bien que mal à jongler avec une quinzaine de quilles, sans que, de l’extérieur, cela ne semble compliqué (puisque j’y arrive), sans que, de l’extérieur, cela ne semble requérir quelque effort que ce soit (alors qu’en fait, obtenir une machine qui ronronne nécessite une énergie phénoménale).

Hier, quelques minutes avant que je ne prenne le train pour participer avec Birgit à une rencontre sur laquelle nous reviendrons peut-être, mon chef m’a parlé d’un mail pour lui anodin, pour moi déstabilisant, et pour moi, c’est comme si on me lançait une seizième quille, en pensant que puisque j’arrive à jongler avec 15 quilles, une de plus ou de moins ne changera pas grand chose.
C’est pourtant juste une quille. La même que les autres.

Cela m’a pris une bonne heure pour récupérer toutes les quilles éparpillées à terre, et en relancer une première, une deuxième, une troisième, jusqu’à désormais pouvoir jongler avec les 16 quilles.

Camomille, hypnose et lâcher prise

Camomille, hypnose et lâcher prise

Camomille, hypnose et lâcher prise

Parmi mes croyances figure une métaphore : les hypersensibles sont conscients de l’existence du soleil ; plutôt que profiter de sa lumière et de sa chaleur, les HS regardent le soleil droit dans les yeux, et en souffrent.

Longtemps, j’ai pensé que lorsque l’on est hypersensible, il suffit de ne pas regarder le soleil dans les yeux, de mettre des lunettes de soleil, de mettre de la crème solaire, et tout ira bien.

Je pense désormais que c’était un leurre.

Si l’on poursuit cette métaphore céleste, les non hypersensibles se situent entre Mars et Pluton, et souffrent donc rarement de la présence du Soleil, pour autant qu’ils en aient conscience de son existence. Alors qu’un hypersensible, au mieux, se situe sur Terre, et a souvent l’impression d’être sur Vénus, Mercure, ou même d’être le Soleil lui-même, source de tout, ses joies comme ses tourments.

Pendant des années, je pensais que l’on pouvait cloisonner le Soleil, maîtriser sa chaleur, être indifférent à sa lumière, qu’écouter ses émotions était une faiblesse, les montrer était un danger, et les ressentir un risque. J’ai, au cours de ces années, développé diverses pathologies soignées à grands renforts, selon les périodes, d’anxiolytiques, de thymorégulateurs, d’antidépresseurs, de somnifères…

Mon syndrome de la crevette m’a fait construire une carapace pour me protéger des agressions extérieures, sans prendre en compte le fait que j’étouffais à l’intérieur, et que je ne me laissais aucun espace pour évoluer, progresser, me transformer. Vivre.

Entre 2003 et 2009, trois thérapies, avec la même bienveillante thérapeute, m’ont permis de faire le point, de me comprendre, de comprendre d’où je venais, comprendre que je ne suis pas responsable de mes traumatismes. Mais je savais que ce n’était qu’une première étape. Il m’aura fallu onze ans, et cette période d’incertitude que nous traversons depuis maintenant trois mois, pour accepter le fait que j’étais vraiment prêt, pour une vraie introspection. Voici plusieurs années, j’ai rencontré, à deux reprises, chez une amie commune, Laurence, hypnothérapeute. Voici deux ans, je lui ai écrit pour la solliciter, en lui précisant que je la recontacterai quand je serai prêt. Deux ans plus tard, et après trois séances en sa compagnie, je réalise qu’il m’aura fallu attendre d’avoir 48 ans pour accepter de m’écouter, à défaut de m’accepter, et ce chemin n’aurait probablement pas été envisageable sans un auxiliaire inattendu : la camomille romaine, dont l’huile essentielle est celle du lâcher prise et de l’apaisement.

Deux gouttes sont obtenues grâce à la distillation de 500 grammes de fleurs, et ces deux gouttes me permettent, non seulement de me relaxer et de m’endormir paisiblement, mais également de dormir quatre à six heures de sommeil réparateur, sans fatigue, sans angoisses, sans cauchemars, ce qui ne m’est plus arrivé depuis bien des années.

Trois semaines après avoir entamé cette thérapie, il serait prématuré de vouloir en tirer des conclusions durables, mais je suis confiant, car grâce à Lao Tseu, je sais que même le plus long des voyages commence par un premier pas. Long is the road.

Josef Schovanec

Josef Schovanec

Il est un saltimbanque de l’autisme. Un rescapé de la camisole chimique. Il est aussi l’auteur de «L’Eloge du voyage à l’usage des autistes et de ceux qui ne le sont pas assez » et de « L’autisme pour les Nuls ». Aujourd’hui Docteur en philosophie et diplômé de Sciences-Po Paris, il nous livre son regard hors norme, sur le monde. Maitena Biraben reçoit Joseph Schovanec.

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